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Le classement eCAC40 2017 réalisé par Les Echos Business et Gilles Babinet classe trois de ces entreprises dans le top 10. Si la transformation digitale est essentielle dans ces entreprises, c'est en raison des nombreuses opportunités qu'elle offre : amélioration de l'efficacité opérationnelle, optimisation des ressources, création de nouveaux services innovants, augmentation de l'agilité, ouverture aux partenaires et aux clients....

 

Pour négocier avec succès le virage numérique, une transformation technologique et organisationnelle est nécessaire pour les principales entreprises du secteur telles que Total, Engie, EDF, Air Liquide et Veolia. En toile de fond, les thèmes de la cybersécurité et de la confidentialité des données, principaux risques liés à cette digitalisation, doivent être soigneusement appréhendés.

Quelles sont les orientations technologiques prises par ces entreprises ?

Aujourd'hui, les business models se concentrent sur les données. La croissance annuelle est estimée à environ 18% pour le marché du Big Data entre 2016 et 2021 et devrait atteindre près de 67 milliards de dollars[i]. Issues de sources variées (réseaux sociaux, objets connectés, transactions commerciales, etc.), dans des formats structurés ou non, leur stockage dans des "Data Lakes" simplifie par la suite leur traitement et leur analyse. L'expansion de l'IoT[ii] au service de l'industrie va augmenter la quantité de données non structurées.

 

Par conséquent, des logiciels et des infrastructures informatiques spécifiques seront nécessaires pour faciliter l'exploitation technique et commerciale de ces nouveaux flux. Les plateformes d'intégration de données, appelées "middleware[iii]", sont nombreuses au sein des différentes Business Units des grandes entreprises. 65% des entreprises ayant adopté l'IoT en 2020 utiliseront une plateforme IoT pour au moins un projet[iv].

 

La tendance est à la centralisation des flux sur une plateforme à l’échelle du groupe afin de créer des synergies entre les applications tout en profitant des économies d'échelle et d'apprentissage. Veolia, qui dispose d'un parc de 3 millions d'objets connectés, a créé Hubgrade : une plateforme numérique qui collecte les données énergétiques des bâtiments et des sites industriels en temps réel, afin de les analyser et d'agir plus efficacement sur leur performance énergétique[v].

Nouvelles tendances technos : Usine connectée & IoT, Big Data, Cloud, API, Mobilité

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Quels ajustements organisationnels sont effectués en conséquence ?

Au fur et à mesure de leur croissance, ces entreprises ont procédé à de multiples fusions, acquisitions et cessions. Leurs organisations ont donc été complexifiées et historiquement segmentées en métiers verticaux ou de manière géographique en formant des Business Units autonomes. Aujourd'hui, au contraire, la numérisation des activités nécessite une approche holistique de "déstructuration" de l'organisation.

 

A la croisée des avancées technologiques et des besoins opérationnels se trouvent les DSI, qui sont donc naturellement au cœur de la transformation numérique de l'entreprise. Les nouvelles tendances techniques mettent en évidence la nécessité d'une gouvernance informatique plus transversale et horizontale au sein des Business Units afin de favoriser les synergies Business-IT.

 

Pour faire adopter de nouvelles solutions en interne et en externe, des entités ad hoc ou issues des branches de l'entreprise étroitement liées aux sujets numériques, comme une BU Marketing & Service Client, sont mises en place. Les plus populaires sont les autorités de gestion des données (Group Chief Data Officer ou BU) et les centres de compétences partagées. En 2016, ENGIE a créé sa structure ad hoc "ENGIE Digital" regroupant une cinquantaine de collaborateurs et partenaires stratégiques. Son rôle est double :

  • Rationaliser les 4 500 applications du parc informatique tout en déployant plus rapidement les nouveaux outils informatiques ;
  • Réunir dans un hub les acteurs métiers des différents départements pour réfléchir aux solutions transversales à mettre en œuvre.

Transformation organisationnelle sous l'angle DSI

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La mission des DSI se déplace progressivement de l'exploitation des infrastructures informatiques vers l'orchestration des données et des services du groupe. Ils deviennent donc polyvalents en raison de la nécessité de comprendre l'aspect métier sous-jacent afin de développer des services toujours plus personnalisés à destination des clients professionnels.

 

En parallèle, les équipes métiers sont impliquées dans la définition des besoins dans le cadre du développement des applications en collaboration avec les équipes IT. Cette transformation implique des défis managériaux majeurs : l'adoption de méthodes agiles et DevOps, le recrutement de nouvelles compétences et la diffusion de la culture numérique dans l'entreprise. Selon Gilles Cochevelou, Chief Digital Officer du groupe Total, la transformation digitale "est sociétale, culturelle, humaine, mais aussi technologique".

 

Les changements organisationnels, l'augmentation du volume de données échangées, l'introduction de nouvelles technologies ouvertes sur l'extérieur sont autant de facteurs qui rendent les questions de cybersécurité et de confidentialité des données centrales.

Comment la question de la sécurité est-elle traitée ?

Les entreprises du secteur de l'énergie sont des cibles de choix pour les cyberattaques. Dans des cas extrêmes, celles-ci peuvent conduire à la fermeture d'infrastructures, provoquant des perturbations économiques et financières, voire des dommages environnementaux potentiellement importants[xi]. Parmi les technologies employées, les capteurs connectés représentent l'un des plus grands risques[xii]. Un exemple évocateur est la cyberattaque qui a eu lieu fin 2015 sur les réseaux électriques ukrainiens, laissant près de 225 000 foyers sans électricité. Les pirates avaient exploité une faille de sécurité sur des objets industriels connectés (systèmes SCADA[xiii]).

 

Il est donc impératif de mettre en place des outils pour protéger, notamment, les infrastructures énergétiques de première importance pour le pays. Des mesures de sécurité sont ainsi mises en œuvre à 4 échelles différentes :

  • Sur les systèmes d'échanges (plateformes IoT, API Management, etc.) : la mutualisation des flux internes et externes au sein d'une même plateforme est un facteur de renforcement de la sécurité. Il s'agit de passer d'un mode réactif à un mode proactif en adoptant une gouvernance forte vis-à-vis des échanges depuis et vers l'extérieur tout en déployant les dispositifs techniques les plus pertinents (DMZ, Reverse proxy, API gateway, WAF[xiv]).
  • Sur les données : avec la mise en place du règlement européen sur la protection des données (RGPD), la sécurisation des données confidentielles et sensibles à la source devient une priorité.
  • Sur le développement d'applications : l'assemblage de services non corrélés et disponibles par API rend chaque projet informatique responsable de sa sécurité, c'est le principe du "Security by Design".
  • Sur les employés : toutes ces mesures ne seraient pas utiles sans une sensibilisation adéquate à la sécurité de l'information et une bonne utilisation de leurs (nouveaux) outils de travail. Par exemple, le groupe EDF a soutenu la campagne "Hack Academy" dans une démarche proactive de mobilisation des métiers du nucléaire pour une prise en charge progressive des questions de sécurité[xv].

 

Pour finir, malgré les nombreux défis à relever (performance des solutions, conduite du changement, gouvernance, sécurité, etc.), la digitalisation du secteur de l'énergie est lancée et fera émerger à court terme de nouveaux modèles de services pour les collaborateurs, les clients et les partenaires. Cette dynamique peut encore s'accélérer avec l'arrivée d'innovations technologiques de rupture telles que la blockchain, l'intelligence artificielle ou l'impression 3D.

Notes et sources

[i]http://www.marketsandmarkets.com/PressReleases/big-data.asp

[ii] IoT : Internet of Things

[iii] Plateforme middleware : logiciel permettant à différentes applications d’échanger et d’interopérer

[iv] https://www.gartner.com/en/documents/3730917

[v] https://www.planet.veolia.com/fr/hubgrade-centre-de-pilotage-performance

[vi] SaaS : Software as a Service

[vii] PaaS : Platform as a Service

[viii] IaaS : Infrastructure as a Service

[ix] https://www.airliquide.com/fr/histoires

[x] Application monolithique : décrit une application logiciel indépendante d’autres applications, développée dans un seul programme informatique, et conçue pour fournir à l’utilisateur une suite de services permettant de compléter une fonction particulière.

[xi] Ressource complémentaire : “Cybersecurity in Energy : The Implications of a Security Breach on an Oil & Gas Company” https://sia-datalab.agencefove.com/en/our-publications?tid=4&sort_by=ch…

[xii] Gartner prévoit d’ici 2020 que 25% des cyberattaques identifiées dans les entreprises impliqueront l’IoT http://www.gartner.com/newsroom/id/3291817

[xiii] SCADA : Supervisory Control And Data Acquisition

[xiv] DMZ : DeMilitarized Zone / WAF : Web Application Firewall

[xv] https://www.cigref.fr/hack-academy-la-campagne-nationale-anti-hacking-d…

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